Jupiter et Mercure punissant la nymphe Lara
La déesse du silence
extrait des vers 713-790 du chant III des Fastes d’Ovide, 1er siècle après J.-C
traduction de Désiré Nisard (1806-1888)
Il y en avait une parmi elles qui s'appelait Lara: la première syllabe de ce mot, deux fois répétée, formait autrefois son nom, et ce nom l'accusait de trop parler. Souvent Almo lui avait dit:
"Ma fille, sois discrète,"
et sa fille causait toujours. Elle court au lac de Juturne; "Soeur des naïades, s'écrie-t-elle, gardez-vous du bord des fleuves," et elle lui raconte la harangue de Jupiter.
De là elle se rend chez Junon, et, jalouse officieuse,
"Votre époux, lui dit-elle, est amoureux de Juturne."
Jupiter, furieux, lui ôte l'usage de la parole, pour la punir d'avoir trop parlé. Il appelle Mercure:
"Conduis-la chez les mânes, dit-il; c'est l'empire du silence; qu'elle reste nymphe, mais nymphe du marais infernal."
Jupiter est obéi. Ils partent tous deux; en traversant une forêt, Mercure s'aperçoit qu'elle est belle; il veut la posséder. La naïade agite en vain ses lèvres, elle est muette et n'oppose à la violence qu'un regard suppliant.
Devenue mère, elle enfanta deux jumeaux; ce sont les Lares qui gardent nos carrefours et veillent assis au foyer de nos maisons.