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La justice de l’empereur Otton
la légende d’Othon III
extrait de La Légende dorée de Jacques de Voragine, 1266,
traduction de M.G.B, 1843
Otbon III lui succéda en
l’an du Seigneur neuf cent quatre-vingt-quatorze. Il connaissait.
les merveilles du monde. On lit dans une chronique qu’il eut
une femme qui voulut se prostituer à un certain comte ; mais
comme celui-ci ne voulait point consentir à un si grand crime, l’impératrice, furieuse, l’accusa auprès d’Othon, qui ordonna, sans l’entendre, qu’il serait décapité. Avant qu’on lui tranchât la tête, il demanda à sa femme d’attester, après sa mort, son innocence, par l’épreuve du fer brûlant. Vint le jour où l’empereur donne audience aux veuves et aux orphelins ; elle s’y rendit, portant dans ses bras la tête de son mari ; et elle demanda
à l’empereur de quelle mort était digne celui qui faisait injustement périr un innocent. Il répondit qu’il méritait de perdre la tête ; et alors elle dit :
« Tu es l’homme qui, cédant aux suggestions
d’une épouse coupable, a fait périr mon mari ; il était innocent ; et je prouverai la vérité de ce que je dis par l’épreuve du fer rouge.»
L’empeureur voyant cela, fut frappé de stupeur;
et il se remit aux mains de cette femme pour être puni. Cependant, à l’intercession des seigneurs et des prélats, il obtint d’elle un délai de dix jours, puis de huit, puis de sept, puis de six. Et ayant, pendant ce temps, examiné l’affaire et reconnu la vérité des faits, il fit brûler l’impératrice, et il donna à la veuve, pour se racheter, quatre châteaux. Ces châteaux sont situés dans l’évêché
de Lucques, et, d’après les délais accordés, ils s’appellent
Dix, Huit, Sept, Six.
source : édition de 1843 publié par la Librairie Charles Gosselin